La réalisatrice Yasmina Adi est nommée aux César 2012 (Oscar français du cinéma). Celui du Meilleur film documentaire. Et ce, pour Ici on noie les Algériens lors de la 37ème cérémonie de remise des César, le 24 février, au Théâtre du Châtelet, à Paris
Le pitch du film documentaire Ici on noie les Algériens de Yasmina Adi ? A l’appel du Front de libération nationale (F.L.N.), des milliers d’Algériens venus de Paris et de toute la région parisienne, défilent, le 17 octobre 1961, contre le couvre-feu qui leur est imposé. Cette manifestation pacifique sera très sévèrement réprimée par les forces de l’ordre.
50 ans après, la cinéaste met en lumière une vérité encore taboue. Mêlant témoignages et archives inédites, histoire et mémoire, passé et présent, le film retrace les différentes étapes de ces événements, et révèle la stratégie et les méthodes mise en place au plus haut niveau de l’Etat : Manipulation de l’opinion publique, récusation systématique de toutes les accusations, verrouillage de l’information afin d’empêcher les enquêtes…
Une violence passée sous silence
« C’est en 2007 que l’idée de ce documentaire m’est apparue, lors de la préparation de mon précédent film « L’autre 8 mai 1945 – Aux origines de la guerre d’Algérie ». Ce film rappelait qu’en Algérie, lors du défilé célébrant la victoire contre l’Allemagne nazie, les Algériens avaient revendiqué leur indépendance. Ils subiront une répression qui fera des milliers de victimes. Lors des projections de ce film en France et à l’étranger, le public faisait naturellement le lien entre ces événements et ceux d’une autre répression oubliée, celle de la manifestation d’Algériens à Paris le 17 octobre 1961. Les questions fusaient : Comment cette violence avait-elle pu avoir lieu en métropole ? Pourquoi a-t-elle pu être aussi facilement passée sous silence ? Combien a-t-elle fait de victimes ?… Le public cherchait des réponses. Parfois victime de connaissances approximatives, il confondait souvent cet événement avec la manifestation française anti-OAS du 8 février 1962 (manifestation de Charonne). »
Un travail de recherche
« Cette méconnaissance s’explique aisément. Absente des manuels scolaires, cette histoire est tout d’abord étouffée, puis simplement ignorée pendant de nombreuses années. De plus, la bataille des chiffres que se livrent les historiens sur le nombre de victimes n’a fait que brouiller les cartes et jeter le trouble sur ce qui s’est réellement passé. Au cours de ce travail préparatoire, j’ai pu obtenir toutes les dérogations nécessaires pour consulter les archives (de la Préfecture de police pour les Archives de la police, des Archives nationales pour les archives du gouvernement, etc.). Ce travail de recherche m’a permis de trouver une matière exceptionnelle. »
Une vérité remplaçant les non-dits
« De très nombreux documents inédits (rapport, films, photos…) permettent d’apporter un nouvel éclairage sur ces événements. Mon but n’était pas de réaliser un documentaire historique classique. J’ai eu envie de faire ce film pour que la vérité remplace les non-dits et de souligner la dimension humaine de cet épisode trop longtemps tu. De faire émerger les paroles de certains acteurs de l’époque et de mettre le spectateur en immersion, en utilisant tout au long du film les deux médias les plus consultés à l’époque par les Français, la radio et la presse écrite. ».